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- No. 3/2021 − Août
H+ Palais fédéral 3/2021
Des forfaits ambulatoires pour un tarif d’avenir
de Anne-Geneviève BütikoferSeul l’article 44a est raisonnable
Protéger les systèmes de prévention des erreurs
Donner la préférence au contre-projet
Écarter la menace d’un cartel des caisses maladie
Pour un consentement présumé au sens large – avec des réserves
Éditorial
Le système de santé suisse est au cœur de la quatrième vague de la pandémie de COVID-19. La campagne de vaccination de la Confédération donne de bons résultats et la population respecte encore largement les mesures de protection, mais nous ne sommes pas parvenus à éviter une nouvelle forte charge sur le système de santé. Le taux de vaccination n’est pas suffisant pour maîtriser le virus et stopper sa propagation. Une couverture vaccinale de la population aussi étendue que possible reste donc un objectif de la plus haute importance pour les hôpitaux et les cliniques, et en particulier pour leurs collaborateurs, qui s’investissent sans compter.
La nouvelle hausse des hospitalisations et du nombre de patients atteints du COVID-19 aux soins intensifs conduit une fois de plus à des reports d’opérations planifiables, afin de disposer de suffisamment de personnel pour prendre en charge les malades du COVID-19. Et cela au détriment de patients qui sont en attente, par exemple, d’une opération du cœur, de l’estomac ou d’une intervention en cas de tumeur. Il ne devrait pas en être ainsi. Toute personne a droit à des soins médicaux de qualité.
En se faisant vacciner, chacun peut contribuer de manière décisive à la maîtrise de la pandémie.
Des forfaits ambulatoires pour un tarif d’avenir
Avec l’impulsion donnée par le Parlement, les partenaires de «solutions tarifaires suisses SA» élaborent les forfaits pour la médecine ambulatoire.
Les choses avancent dans le domaine tarifaire: durant la session d’été, le Parlement a posé la première pierre pour des forfaits ambulatoires. Avec santésuisse et la FMCH, H+ œuvre à leur élaboration dans le cadre de l’organisation commune «solutions tarifaires suisses SA». Les travaux se fondent sur les données actuelles et transparentes de prestations et de coûts des hôpitaux et des cliniques. Ils sont déjà bien avancés. Début septembre, tous les partenaires tarifaires seront invités à rejoindre le projet. Le système leur sera présenté cet automne ainsi qu’à d’autres parties prenantes. L’objectif ultime de «solutions tarifaires suisses SA» consiste à soumettre au Conseil fédéral pour approbation un grand nombre de forfaits, reposant sur des données et révisables, et de jeter ainsi les bases d’un tarif d’avenir reposant sur des données, conformément à l’engagement pris par tous les partenaires dans une lettre d’intention.
Ce nouveau tarif ambulatoire reposera sur des forfaits qui seront perfectionnés chaque année sur le modèle du système SwissDRG. Il sera complété par un tarif à l’acte ou au temps pour les domaines qui ne peuvent pas faire l’objet de forfaits. À cet effet, les organisations représentées au sein de solutions tarifaires suisses SA ont pris langue avec ats-tms SA, qui a conçu TARDOC. Le but commun doit être d’aboutir à une nouvelle tarification plus transparente et couvrant enfin les coûts des hôpitaux et des cliniques. Les forfaits ambulatoires permettront en outre de réduire les charges administratives, tant pour les fournisseurs de prestations que pour les assureurs.
Directrice
Seul l’article 44a est raisonnable
Dans le volet de mesures de maîtrise des coûts 1b, H+ soutient uniquement l’article 44a «Rabais négociés». L’association rejette en revanche les autres dispositions relatives aux mesures de gestion des coûts, au droit de recours des assureurs contre les décisions de planification hospitalière et au système de prix de référence pour les médicaments dont le brevet a expiré.
Afin de résoudre la problématique des coûts dans le domaine de la santé, H+ soutient en première ligne des mesures qui favorisent la qualité des résultats et l’utilité des prestations. Elle ne rejette pas les mesures judicieuses portant sur les coûts ou les volumes.
Dans cette perspective, H+ soutient uniquement l’art. 44a «Rabais négociés» dans le volet de mesures 1b. Cette disposition renforce l’autonomie tarifaire et encourage la concurrence sur les prix.
Art. 47c «Mesures des partenaires tarifaires concernant le pilotage des coûts»: cette disposition fait partie intégrante du système d’objectifs en matière de coûts que le Conseil fédéral va soumettre dans le cadre du 2e volet de mesures aux art. 54, 54a à 54e. Selon H+, cet article doit être discuté dans ce contexte.
Art. 53a «Droit de recours pour les assureurs concernant la planification cantonale des hôpitaux, des maisons de naissance et des EMS»: H+ rejette catégoriquement cette disposition qui introduit un droit de recours supplémentaire, étranger au système, en faveur des assureurs maladie contre les décisions des gouvernements cantonaux en matière de planification et de listes des hôpitaux, des maisons de naissance et des EMS.
Art. 52 ss «Système de prix de référence pour les médicaments»: Ce système menacerait la sécurité de l’approvisionnement en médicaments sur le marché suisse et dans les hôpitaux, les cliniques ainsi que dans les institutions de soins et aggraverait les difficultés de livraison existantes. H+ le rejette pour ce motif. La pénétration des génériques en Suisse s’élève à 23% seulement et est particulièrement basse en comparaison avec d’autres pays. Ce phénomène a un impact beaucoup plus important que les prix effectivement élevés des génériques et doit être combattu par une élimination des mauvaises incitations, conformément à la motion 20.3936 qui a déjà été acceptée par le Conseil national. H+ approuve sur le principe le correctif des incitations introduit par le nouveau tarif officinal RPB V mais exige dans le même temps une représentation tarifaire correcte des activités des pharmacies d’hôpitaux qui ne sont pas comparables à celles des pharmaciens de ville.
Protéger les systèmes de prévention des erreurs
La motion «Systèmes d'apprentissage mis en place dans les hôpitaux pour éviter des erreurs. Protéger la confidentialité» demande la création d’une base légale protégeant la confidentialité de tels systèmes. H+ soutient cette démarche qui favorise la culture de l’apprentissage, contribue au développement de la qualité et va dans le sens de la sécurité des patients.
L’utilisation éventuelle des annonces comme éléments de preuve dans des procédures de droit privé ou public est un risque depuis que les hôpitaux et les cliniques ont introduit des systèmes de prévention des erreurs. La motion de Ruth Humbel «Systèmes d'apprentissage mis en place dans les hôpitaux pour éviter des erreurs. Protéger la confidentialité» (18.4210) réclame la création d’une base légale protégeant de tels systèmes d’apprentissage, car les évènements documentés tels que les incidents critiques et les erreurs évitées («near misses») ne doivent pas pouvoir être utilisés devant les tribunaux. H+ partage cette préoccupation.
Les fournisseurs de prestations recourent de plus en plus aux systèmes de rapport et d’apprentissage, qui contribuent à la sécurité des patients et à la qualité, dans la mesure où ils permettent entre autres d’identifier des potentiels d’amélioration et de prévenir de nouveaux incidents. Les institutions sont aussi tenues par la loi de prendre des mesures de développement de la qualité. Or, elles ne jouissent d’aucune sécurité juridique dans le cadre de la documentation des erreurs et des mesures d’amélioration. La confidentialité et l’anonymat indispensables au fonctionnement des systèmes de rapport et d’apprentissage s’en trouvent ébranlés. Si les annonces d’évènements indésirables ou critiques dans le cadre de ces systèmes sont utilisées pour d’éventuelles sanctions, cela entame la confiance des collaborateurs dans ce processus. En d'autres termes: l’absence de base juridique protégeant la confidentialité des institutions et leurs collaboratrices et collaborateurs dans le cadre de la documentation des erreurs et des mesures d’amélioration empêchent de remplir les obligations légales en matière de développement de la qualité.
H+ réclame une solution au niveau du droit fédéral
Le Conseil fédéral a rejeté en 2019 la motion 18.4210, indiquant avoir commandé une expertise à ce sujet. Ce document est désormais disponible. Il y est clairement relevé qu’en tenant justement compte des intérêts généraux des patients, il est nécessaire d’instituer une protection légale contre un accès au système par les autorités et des tiers. H+ souscrit à la conclusion de l’expertise et soutient la recommandation urgente d’élaborer une solution au niveau du droit fédéral.
Donner la préférence au contre-projet
Afin de renforcer rapidement les soins infirmiers, le contre-projet indirect doit l’emporter sur l’initiative.
H+ regrette la décision du comité d’initiative de ne pas retirer son texte. Le contre-projet indirect voté par le Parlement répond à deux revendications centrales de l’initiative «Pour des soins infirmiers forts» et prévoit des mesures généreuses afin de combattre rapidement la pénurie de personnel annoncée:
- Offensive en faveur de la formation avec des contributions de quelque 1 milliard de francs sur huit ans.
- Elargissement des compétences du personnel infirmier qui pourra facturer lui-même certaines prestations sans mandat d’un médecin et sans que cela n’entraîne une augmentation des volumes.
L’introduction de ces mesures va être retardée par la votation voulue par le comité d’initiative. Même en cas d’acceptation de son texte, une solution plus favorable ne se profile pas. Relativement généreux, le contre-projet indirect a aussi été élaboré sous le coup de l’émotion suscitée par la crise du Covid-19. Il est peu vraisemblable que le Parlement se montre à nouveau prodigue dans quelques années. Dans l’intérêt d’un renforcement rapide des soins infirmiers, H+ recommande vivement de donner la préférence au contre-projet indirect.
Écarter la menace d’un cartel des caisses maladie
Lors de la dernière session spéciale, un nouvel article 31b a été introduit par la petite porte dans le cadre de la révision de la loi sur la surveillance des assurances (LSA).
Sur proposition de sa Commission de l’économie et des redevances (CER-CN), le Conseil national a introduit un article 31b lors de la révision de la loi sur la surveillance des assurances (LSA). Cette disposition doit permettre aux sociétés d’assurance de se regrouper en communautés d’achat pour négocier et conclure les conventions réglant la rémunération des prestations supplémentaires et/ou complémentaires dans le domaine stationnaire. Ses partisans justifient cette nouveauté par la position de force dont jouiraient souvent les hôpitaux sur le marché et donc dans les négociations. En se réunissant en cartels d’achat, les assureurs seraient en mesure de renforcer leur position face aux hôpitaux.
Pourtant, le droit en vigueur fixe pour règle d’or que les ententes doivent être résolument proscrites. L’art. 31b LSA vise exactement l’inverse, soit de créer une exception au droit de la concurrence dans le domaine de l’assurance complémentaire en permettant aux sociétés actives dans ce domaine de former des cartels.
Il est admis généralement – et reconnu par H+ – que le marché de l’assurance complémentaire doit être qualifié de dysfonctionnel. Un assainissement ne peut cependant en aucun cas passer par une application de l’art. 5 al. 2 de la loi sur les cartels (LCart) qui autorise des accords lorsqu’ils sont justifiés par des motifs d’efficacité économique. La possibilité d’opposer un cartel à un monopole est prévue dans des situations très particulières, qui doivent être examinées au cas par cas.
Généraliser le champ d’application de l’art. 5 al. 2 LCart, comme le préconise l’art. 31b LSA, minerait le système économique libéral dans le domaine de l’assurance complémentaire privée. Un assainissement de ce marché doit plutôt passer par un renforcement de la transparence et une concurrence équitable. Il est d’autant plus nécessaire d’empêcher une cartelisation de ce marché et de rejeter l’art. 31b LSA. Les cartels d’assurance doivent enfin appartenir au passé.
Oui à l’utilité pour les patients, non aux règlementations superflues
Les PROMs permettent d’améliorer la qualité des traitements. Il n’est pas nécessaire de les rendre contraignantes compte tenu du cadre législatif actuel.
H+ s’engage en faveur des Patient Reported Outcome Measures (PROMs) dans le but d’améliorer la qualité des traitements et d’accomplir un grand pas vers une santé centrée sur les patients. Elle encourage l’instauration des PROMs dans les hôpitaux et les cliniques suisses et élabore actuellement un concept en vue de soutenir les institutions en ce sens. En revanche, l’association nationale des hôpitaux n’est pas favorable à ce que la mesure des résultats rapportés par les patients soit rendue obligatoire sur l’ensemble du territoire (interpellation 21.3656). Les PROMs ne devraient être menées que là où elles améliorent effectivement les traitements, accroissent l’efficience et bénéficient ainsi aux patients. Il est dès lors essentiel d’utiliser les PROMs avec circonspection, en se concentrant d’abord sur l’amélioration des traitements avant de poursuivre d’autres finalités, telles que le monitoring, par exemple.
Le cadre législatif en vigueur depuis le 1er avril 2021 dans le domaine du développement de la qualité comporte déjà suffisamment d’obligations. D’une part, la Commission fédérale pour la qualité va probablement requérir la réalisation de PROMs (art. 58b LAMal), d’autre part les PROMs sont prévues dans la nouvelle convention de qualité en tant que mesure à prendre dans le domaine de la qualité de l’indication. H+ estime donc que les dispositions légales en vigueur suffisent pour que les PROMs puissent être effectuées dans toute la Suisse. Une obligation spécifique n’est pas nécessaire.
Pour un consentement présumé au sens large – avec des réserves
Sauver des vies en favorisant le don d'organes: l’injonction est simple mais sa mise en œuvre plus complexe. L’automatisme du don entre en conflit avec les droits fondamentaux.
L’initiative «Pour sauver des vies en favorisant le don d'organes» veut remédier à la pénurie d’organes en Suisse; mais elle affecte le droit de ne pas se prononcer. La population est majoritairement favorable au don d’organes, mais peu de personnes sont donneuses ou expriment clairement leur volonté de faire don de leurs organes. Avec l’actuelle solution du consentement explicite, il en résulte une disparité: trop souvent, la volonté documentée de la personne décédée fait défaut, ce qui conduit les proches à se prononcer contre le don.
Pour y remédier, l’initiative préconise de remplacer le consentement explicite en vigueur par le consentement présumé au sens strict. En d’autres termes, toute personne consentirait en principe au don d’organes pour autant qu’elle n’ait pas exprimé son opposition de son vivant. Mais il y a un hic: un silence ne saurait être automatiquement assimilé à un consentement, car la liberté individuelle s’en trouverait affectée. Sur de telles questions, la préservation du droit à l’autodétermination est centrale. Selon une opinion répandue, celle-ci implique de pouvoir établir la volonté supposée de la personne décédée.
La solution dite du consentement présumé au sens large proposée par le Conseil fédéral – et soutenue par H+ – en tient compte, dans la mesure où les proches doivent être associés à la décision. Avec cette solution, l’encouragement de la solidarité trouve ses limites là où il touche à la liberté individuelle.
Reste l’obligation latente de devoir affronter la perspective de sa propre mort et se déclarer pour ou contre le don. Une telle contrainte est inacceptable, car la mort est inhérente à la condition humaine.
La taxe pour les cas bénins ne résout pas le problème
La taxe pour les cas bénins ne permet pas de décharger les services des urgences. En revanche, elle discrimine les malades chroniques et les personnes précarisées.
Le Conseil des États a remis sur le tapis la taxe pour les patients qui consultent les urgences hospitalières pour des cas bénins. Après la Chambre haute, la Chambre du peuple a approuvé l’initiative parlementaire 17.480 lors de la session d’été 2021. La Commission de la santé et de la sécurité sociale des États (CSSS-CE) élabore maintenant un projet de loi.
D’emblée, H+ s’est opposée à l’introduction de cette contribution qui va toucher avant tout les personnes les plus défavorisées ou âgées ainsi que les malades chroniques. Les patients qui, de peur de payer une taxe, n’écoutent pas leur corps et renoncent à se rendre aux urgences des hôpitaux se mettent le cas échéant en danger. Effrayer les gens de la sorte revient aussi à restreindre le libre choix du médecin et de l’hôpital. Cela pourrait enfin inciter les patients à se faire admettre en stationnaire afin d’éviter la taxe.
Il y a urgence lorsque la personne concernée estime avoir besoin de soins sans délais. Qui doit décider entre ce qui constitue une «vraie» urgence et un cas bagatelle? La facturation d’une taxe pour les cas bénins entraînera enfin un travail supplémentaire pour les hôpitaux. Comment cette activité sera-t-elle indemnisée et à qui seront attribués les revenus de cette taxe?
Renforcer les mesures existantes
Selon H+, d’autres approches seraient plus indiquées pour résoudre le problème: aujourd’hui déjà, les patients sont triés à leur admission selon le degré de gravité et dirigés vers une prise en charge correspondant à leur état de santé. En outre, les hôpitaux tendent à établir des permanences médicales dans les centres. Il convient de renforcer ces mesures.
Rédactrice de Competence pour la Suisse alémanique, responsable technique Communication