H+ Palais fédéral 2/2024

Éditorial

de Regine Sauter
Maîtrise des coûts

Pas d’expériences inutiles

de Anne-Geneviève Bütikofer
Planification anticipée des soins

Favoriser l’autodétermination en fin de vie

de Stefan Berger
Psychothérapie pratiquée par des psychologues

Suivre l’évolution des coûts et du volume des prestations

de Martina Greiter
Renchérissement

Les tarifs doivent être indexés à l’inflation

de Martina Greiter
Votation populaire

Frein aux coûts: non aux rationnements arbitraires

de Aurel Köpfli

Éditorial

La structure tarifaire actuellement en vigueur pour les prestations médicales dans le secteur ambulatoire date du début des années 2000 et se fonde sur des données de la décennie précédente. Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’elle est irrémédiablement dépassée, qu’elle ne représente pas les progrès technologiques intervenus depuis lors et qu’elle n’assure pas une rémunération adéquate des prestations ambulatoires.

Le Parlement lui-même a reconnu cette situation et a prié à de réitérées reprises le Conseil fédéral d’adopter une nouvelle structure. En révisant la LAMal, les Chambres ont aussi clairement indiqué que le tarif à la prestation actuel doit être remplacé par des forfaits là où c’est possible. Ces derniers éliminent les mauvaises incitations qui aboutissent à une hausse des volumes et ils favorisent la poursuite du transfert vers l’ambulatoire. Un processus qui est pertinent tant du point de vue financier que de la politique de la santé.

En décembre dernier, H+ et santésuisse ont soumis ensemble à l’approbation du Conseil fédéral un système tarifaire cohérent pour le secteur ambulatoire. Ce modèle combine des forfaits et le tarif à la prestation révisé TARDOC.

Les forfaits SwissDRG ont fait leurs preuves dans le domaine stationnaire depuis des années. Le principe est simple: sont remboursées les prestations effectivement fournies – ni plus, mais ni moins non plus. Ainsi, les hôpitaux qui travaillent efficacement sont récompensés et les traitements inutiles sont jugulés. Les forfaits sont fondés sur des millions de données de coûts et de prestations, autrement dit sur des chiffres clés objectifs. 

Les travaux préparatoires pour le nouveau système tarifaire cohérent associant forfaits et TARDOC sont menés au sein de l’Organisation tarifs médicaux ambulatoires (OTMA). Le Conseil fédéral est maintenant invité à approuver aussi vite que possible ce système en tant que concept global. Des retards supplémentaires auraient pour conséquence de prolonger la facturation au moyen de structures obsolètes, une situation qui n’est souhaitable ni pour les payeurs de primes, ni pour les fournisseurs de prestations.

Regine  Sauter

Regine Sauter

Présidente, conseillère nationale

Maîtrise des coûts

Pas d’expériences inutiles

Le deuxième volet de mesures visant à freiner la hausse des coûts est plutôt judicieux, à l’exception de la création d’inutiles «réseaux de soins coordonnés».

Dans son message relatif au deuxième volet de mesures visant à freiner la hausse des coûts (22.062), le Conseil fédéral propose entre autres d’instituer un nouveau fournisseur de prestations: les «réseaux de soins coordonnés». Il souhaite par là améliorer les soins médicaux et maîtriser les dépenses à la charge de l’assurance de base.

Large alliance opposée à un nouveau fournisseur de prestations
Les fournisseurs de prestations, les assureurs, les pharmaciens, les professionnels de la santé et les organisations de consommatrices et de consommateurs sont unanimes: l’introduction d’un nouveau fournisseur de prestations ne permettra pas d’améliorer la coordination des soins ou encore de freiner la hausse des coûts. Cela créera au contraire des doublons et ouvrira grande la porte à l’augmentation du volume des prestations.

À raison, le Conseil national a suivi la recommandation de l’alliance lors de la session d’automne 2023 et a biffé le nouveau fournisseur de prestations du projet de loi. Reste à espérer que le Conseil des États fasse de même à la session d’été – et ne suive pas la proposition de sa Commission de la sécurité sociale et de la santé (CSSS-CE), qui est favorable aux réseaux de soins coordonnés.

Ne pas modifier ce qui fonctionne
Dans un courrier adressé à la CSSS-CE le 19 avril 2024, les organisations concernées, parmi lesquelles figure H+, ont réaffirmé leur position commune. Les réseaux actuels sont un succès. Les acteurs impliqués accomplissent déjà leur travail de coordination avec brio. Et de plus en plus d’assurés adhèrent à de tels réseaux. Il convient de continuer d’encourager ce processus bottom-up au moyen des incitations qui conviennent, à savoir la mise en œuvre de la révision de la LAMal sur le financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS). Parachuter un nouvel acteur ne ferait que gonfler encore la paperasse sans valeur ajoutée tangible pour le système de santé.

Transformation numérique

DigiSanté: pour une mise en œuvre efficace et un financement approprié

La Suisse dispose d’un excellent système de santé, qui atteint pourtant ses limites parce que le numérique ne suit pas. Le programme de la Confédération DigiSanté doit contribuer à remédier à ce problème. 

Un crédit d’engagement de 400 millions de francs pour le programme «DigiSanté» (23.076) est appelé à promouvoir la transformation numérique dans le système de santé et à permettre à la Suisse de rattraper son retard en la matière. Le Conseil national a dit oui lors de la session de printemps. C’est au tour du Conseil des États de se prononcer.

Des prescriptions formelles pour tous les acteurs
En définissant des structures et des contenus de données standardisés, DigiSanté doit créer les conditions d’une interaction sans faille entre les systèmes d’information des hôpitaux et des cabinets médicaux. Pour que DigiSanté soit réellement utile, ces normes devront être respectées par tous les acteurs moyennant des prescriptions formelles.

Le projet SpiGes, dans le domaine des soins hospitaliers, pourra servir de modèle. Grâce à l’application conséquente d’une saisie unique pour l’utilisation multiple des données (principe once-only), ce projet générera rapidement un bénéfice pour toutes les parties prenantes, sans investissement supplémentaire inutile. 

Le financement n’est pas garanti
Pour les fournisseurs de prestations, DigiSanté entraînera aussi des coûts encore difficiles à évaluer. Or ces derniers n’ont pas du tout été pris en considération. Au vu du financement insuffisant dans les hôpitaux, il est impossible d’investir plus dans le numérique tant et aussi longtemps que les investissements ne sont pas couverts par les tarifs. À cet égard, le crédit d’engagement prévu est beaucoup trop bas. Le financement des différents projets doit être déterminé au préalable. À défaut, ce programme prometteur est voué à l’échec.

Stefan  Berger

Stefan Berger

Responsable technique Politique de la santé

Planification anticipée des soins

Favoriser l’autodétermination en fin de vie

Les coûts des conseils médicaux en lien avec les directives anticipées du patient devraient être pris en charge par l’assurance obligatoire des soins. C’est ce que demande l’initiative parlementaire 22.420.

Les directives anticipées du patient sont un élément central de la planification des soins. En cas d’absence de capacité de discernement d’une personne, elles permettent de savoir quelles mesures cette dernière approuve ou réprouve. Le médecin est légalement tenu de respecter ces directives, ce qui en fait un instrument d’autodétermination de la patiente ou du patient.

Aujourd’hui déjà, de nombreux médecins mènent des entretiens de conseil en ce sens, qui sont facturés comme faisant partie d’une consultation normale. Mais si un patient prend expressément rendez-vous pour discuter des directives anticipées, le médecin n’a pas le droit de facturer la séance dans le cadre du tarif AOS.

La planification anticipée des soins peut entraîner des économies
Le remboursement de cette prestation importante devrait être partie intégrante d'une planification médicale de qualité. Le cas échéant, il peut en découler des économies, car cela permet d’éviter des dilemmes si des formulations sont peu claires. H+ estime qu’il faut donner suite à l’initiative parlementaire 22.420, comme le préconise d’ailleurs la Commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil national (CSSS-CN).

Stefan  Berger

Stefan Berger

Responsable technique Politique de la santé

Psychothérapie pratiquée par des psychologues

Suivre l’évolution des coûts et du volume des prestations

Une motion demande que le Conseil fédéral assure un suivi semestriel des conséquences de la mise en œuvre du modèle de la prescription pour les psychologues-psychothérapeutes. H+ rejette cette motion.

Depuis le 1er juillet 2022, les psychologues-psychothérapeutes ne sont plus soumis au modèle de la délégation. Sur prescription médicale, ils peuvent exercer de manière indépendante et à leur propre compte à la charge de l’assurance obligatoire des soins (AOS).

Une motion (23.4153) veut charger le Conseil fédéral d’évaluer l’impact de cette nouvelle pratique sur l’évolution des coûts et du volume des prestations. Les résultats devraient être publiés tous les six mois. Selon l’auteur de ce texte, Erich Ettlin, il manque encore une vue d’ensemble officielle des effets du modèle de la prescription.

Les données du premier monitorage de la nouvelle réglementation ont déjà été publiées par l’Office fédéral de la santé publique.

Un monitorage annuel suffit
H+ rejette cette motion car, selon l’art. 47c LAMal, le monitorage des volumes, des quantités et des coûts est l’affaire des partenaires tarifaires. H+ partage en outre l’avis du Conseil fédéral selon lequel un monitorage annuel et l’évaluation y relative sont utiles pour obtenir des données significatives. Un suivi semestriel n’apporterait pas de valeur ajoutée pertinente.

Martina  Greiter

Martina Greiter

Rédactrice de Competence pour la Suisse alémanique, responsable technique Communication

Renchérissement

Les tarifs doivent être indexés à l’inflation

Pour que la situation des fournisseurs de prestations n’empire pas, les tarifs doivent être adaptés à l’évolution des prix. Le conseiller aux États Damian Müller a déposé une motion en ce sens. H+ soutient cette revendication.

Pour les fournisseurs de prestations, il faut que les tarifs soient adaptés au renchérissement: une modification des bases légales s’impose d’urgence afin que l'inflation puisse être prise en compte de manière appropriée dans tous les systèmes de tarification et d'indemnisation. À défaut, la situation des hôpitaux se détériorera encore, argumente en substance Damian Müller dans sa motion 24.3081. Le conseiller aux États veut charger le Conseil fédéral d’élaborer un projet de modification de la LAMal visant à indexer à l’évolution des prix les tarifs des soins hospitaliers.

L’inflation doit être intégrée au calcul des tarifs
Il s’agira de remédier aux inconvénients du Benchmarking prévu dans la LAMal. Les tarifs fixés actuellement pour l’année «t» sur la base des données de l’année «t-2» devraient être calculés pour les deux années en intégrant l’inflation.

Les partenaires pourraient ainsi suivre l’inflation sans qu’une nouvelle approbation des tarifs ne soit requise. Si une telle indexation montre son efficacité, le motionnaire estime qu’elle pourrait s’appliquer aussi à l’ouvrage tarifaire ambulatoire en cours d’élaboration.

H+ soutient la demande de Damian Müller et rappelle avoir déjà insisté en automne 2023 sur l’importance d’adapter les tarifs à l’inflation (prise de position de H+ sur le financement des hôpitaux et des cliniques).

Martina  Greiter

Martina Greiter

Rédactrice de Competence pour la Suisse alémanique, responsable technique Communication

Votation populaire

Frein aux coûts: non aux rationnements arbitraires

Si l’initiative pour un frein aux coûts du Centre passe, les conséquences seront fatales pour le secteur de la santé et pour les soins en Suisse. Les hôpitaux et les cliniques s’opposent donc fermement à ce projet.

Le 9 juin, le peuple suisse votera sur l’initiative pour un frein aux coûts. S’il passe la rampe du peuple et des cantons, ce texte aura des conséquences fâcheuses pour le secteur de la santé, pour les hôpitaux et les cliniques mais avant tout pour la population elle-même.

L’initiative couple strictement les dépenses de la santé à l’évolution de l’économie. Elle fixe un budget global indépendamment du besoin en prestations. Seule la conjoncture décidera si, durant l’année en cours, des prestations nécessaires pourront être fournies. Il suffit de regarder un peu en arrière pour se convaincre des effets délétères d’un tel mécanisme: si l’initiative du Centre avait été en vigueur en 2000, plus d’un tiers des prestations de l’assurance de base ne seraient pas couvertes aujourd’hui.

La conséquence en serait une médecine à deux vitesses
Si l’injonction de l’initiative est très claire, la voie à suivre reste totalement floue. Le projet ne dit pas comment les coûts seront réduits. Il n’apporte aucune solution, mais fera que certains traitements ne pourront plus être réalisés ou financés. Quels critères présideront aux décisions? On n’en sait rien. Mais la conséquence est évidente: des attentes prolongées pour les patients qui dépendent de l’assurance de base. Et pour les hôpitaux et les cliniques, encore plus de paperasse et encore moins de temps à consacrer aux patients par le personnel.

Ces motifs incitent H+ à combattre ce dévastateur frein aux coûts avec les autres grandes organisations et associations de la santé.

Aurel  Köpfli

Aurel Köpfli

Responsable technique Communication,
responsable adjoint du département Communication