H+ Palais fédéral 1/2021

La paix tarifaire est à portée de main

de Anne-Geneviève Bütikofer
Financement uniforme

La longue marche vers l’EFAS

Initiative en faveur du don d’organes

Remettre l’ouvrage sur le métier

de Martina Greiter

Éditorial

Sur la scène politique, la branche hospitalière affronte des défis d’une rare importance. Ces prochaines années, mais dès la session parlementaire de ce printemps, des projets de grande ampleur dessineront les contours des soins de santé de demain. Il en va ainsi des forfaits pour le secteur ambulatoire qui figurent dans les mesures de la Confédération visant à freiner la hausse des coûts.

Lors de la session d’hiver 2020, les débats sur les forfaits ambulatoires ont été vifs, sans que les blocages de la politique tarifaire ne soient vraiment levés. Or, nous avons tous intérêt à ce que le système de santé reste stable et performant à l’avenir. Les forfaits ambulatoires peuvent fortement y concourir. Ils favorisent la transparence et la qualité tout en contribuant à la maîtrise des coûts et à la paix tarifaire.

Pour renforcer le système de santé, nous devons nous rapprocher, jeter des ponts et développer des solutions en commun. Les guerres de tranchée ne sont pas productives. Elles ne font qu’entraver les progrès. En ce sens, la clé du succès tient à la collaboration et à la recherche de compromis.

La paix tarifaire est à portée de main

Après le Conseil national, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États a donné un signal clair en faveur de la paix tarifaire et d’une maitrise efficace des coûts.

Les forfaits ambulatoires doivent, comme le tarif à la prestation, reposer sur leur propre structure uniforme fixée sur le plan suisse. Telle est la décision prise fin janvier 2021 par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États qui se rallie ainsi au Conseil national et confère aux forfaits ambulatoires le poids nécessaire dans la future organisation tarifaire. Les partenaires tarifaires développeront et tiendront à jour, sous ce toit, les forfaits et le tarif à la prestation sur la base des mêmes données réelles de coûts et de prestations relevées de manière transparente. Comme l’exige la LAMal. Cela évitera tout incitatif indésirable entre les deux tarifs.

Si le Conseil des États opte pour cette solution durant la session de printemps, les blocages durables et la fragmentation du paysage tarifaire seront enfin révolus. Mais pour que cette perspective réjouissante se réalise, une condition essentielle devra être remplie: à savoir que tous les partenaires tarifaires soient prêts au compromis, selon la tradition helvétique. Ils auront la responsabilité d’exploiter au mieux les conditions créées par le législateur afin de trouver des solutions d’avenir qui ménagent les coûts.

Avec l’ensemble des partenaires tarifaires, H+ s’engagera de toutes ses forces en faveur de forfaits ambulatoires.

Financement uniforme

La longue marche vers l’EFAS

L’introduction d’un financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS) n’a que trop tardé. Mais le chemin est éprouvant. L’arrivée est-elle en vue?

Les régimes différents de financement du secteur ambulatoire et du secteur stationnaire entraînent des incitations inopportunes qui compliquent, voire empêchent, une fourniture efficiente et efficace des soins médicaux.

Le choix du lieu de traitement en constitue un exemple. Seul l’état de santé et des facteurs sociaux devraient être pris en considération au moment de décider entre l’ambulatoire et le stationnaire pour le traitement d’un patient. Les critères financiers ne devraient pas entrer en ligne de compte. Les comparaisons internationales montrent dans quelle mesure la Suisse est loin de cette situation idéale. 17% seulement des interventions chirurgicales y sont réalisées en ambulatoire. Aux Pays-Bas, le taux est de 51% et aux Etats-Unis de 62%.

Avec le financement uniforme des secteurs ambulatoire et stationnaire (EFAS), les deux répondants des coûts – les assureurs maladie et les cantons – auront intérêt à ce que des prestations de qualité soient fournies à un tarif couvrant les coûts, indépendamment des domaines de soins médicaux. Il n’y aurait plus d’incitations à fixer des tarifs trop hauts ou trop bas dans certains d’entre eux.

Commencer par le domaine médical
Le caractère indispensable de l’EFAS pour corriger un problème systémique est aussi clairement reconnu que le processus législatif s’avère laborieux. Dix ans après le dépôt de l’initiative parlementaire 09.528, le Conseil national acceptait en 2019 le projet de loi correspondant. Il appartient maintenant au Conseil des États de se prononcer. Le rapport élaboré par le Conseil fédéral sur mandat de la CSSS-CE sur l’intégration des soins infirmiers à l’EFAS arrive à la conclusion suivante: «L’intégration des prestations de soins dans un financement uniforme représente un défi, mais elle est réalisable et doit être considérée comme une voie à poursuivre au vu des avantages escomptés.»

H+ adhère à cet avis et trouve, elle aussi, qu’une intégration des prestations de soins au financement uniforme est judicieuse. Mais le faire immédiatement chargerait trop le projet d’EFAS, voire le condamnerait. Ce n’est pas envisageable pour H+. En priorité, il faut donc aller de l’avant avec le domaine médical. L’intégration des soins infirmiers pourra suivre dans un second temps.

Initiative sur les soins infirmiers

Contre-projet indirect: il est urgent de trouver un compromis

L’engagement du personnel infirmier lors de la crise du COVID-19 a été unanimement salué. Va-t-il obtenir maintenant la reconnaissance qu’appellent ses compétences?

Le Parlement a débattu de l’initiative populaire «Pour des soins infirmiers forts» et du contre-projet indirect durant une année 2020 marquée par le COVID-19. L’initiative est l’expression de la volonté du personnel infirmier d’être pleinement reconnu dans le système de santé. Mais la voie conduisant à cette reconnaissance s’avère semée d’embûches. Le Conseil fédéral s’est positionné comme un adversaire déclaré de ce texte. Et le contre-projet indirect a émergé aux Chambres sous la forme d’une initiative parlementaire.

Prévu tant dans l’initiative populaire que dans le contre-projet, le droit du personnel infirmier à facturer directement certaines prestations aux caisses maladie a été violemment combattu par le conseiller fédéral socialiste Alain Berset. Ce dernier a évoqué le jour où 100'000 infirmières et infirmiers factureront de manière autonome, ce qui déclenchera une hausse des coûts encore jamais observée.

On peine à comprendre pourquoi Alain Berset a rejeté la proposition imposant au personnel infirmier en pratique indépendante de conclure une convention avec les assureurs maladie. Un tel dispositif préviendrait justement l’augmentation des coûts redoutée.

Selon H+, il serait très regrettable que le contre-projet indirect, qui mérite d’être soutenu, échoue devant cette question hautement idéologique de la convention. Car le contre-projet prévoit également une offensive en faveur de la formation dotée de 469 millions de francs. Ce dispositif serait aussi un pas important vers le renforcement de la profession infirmière.

Initiative en faveur du don d’organes

Remettre l’ouvrage sur le métier

Le Conseil national va délibérer sur l’initiative en faveur du don d’organes. H+ est favorable à un approfondissement des aspects éthiques et juridiques. Le taux de dons étant très bas en Suisse, il est urgent de trouver une solution acceptable pour qu’il augmente.

Le contre-projet indirect à l’initiative populaire «Pour sauver des vies en favorisant le don d'organes» (20.090) a largement convaincu lors de la procédure de consultation. La solution de la déclaration prônée par la Commission nationale d'éthique dans le domaine de la médecine humaine (CNE)  a également suscité un écho positif. Selon ce modèle, il s’agirait de demander régulièrement aux personnes vivant en Suisse de réfléchir à la question du don d’organes et d’exprimer leur volonté à ce sujet.

La CNE rejette aussi bien l’initiative que le contre-projet. Elle estime que, par rapport à la règlementation en vigueur, ces deux projets protègeraient moins bien les droits du défunt, en particulier l’autodétermination corporelle. Le consentement présumé signifie qu’un don d’organes peut avoir lieu si la personne n’avait pas exprimé sa volonté. La CNE argumente que le consentement présumé fait du don une norme sociale, qui met en porte-à-faux ceux qui le refusent.

Le professeur à l’Université de Berne Christoph A. Zenger estime que la solution de la déclaration recommandée par la CNE va également trop loin. Celle-ci veut imposer à toute personne de réfléchir à la question du don d’organes, selon une idée venue d’Allemagne. Un projet de loi y prévoit qu’il faille se déclarer pour ou contre le don d’organes chaque fois que l’on recourt à certains services ou administrations définis. Pour Christoph Zenger, il est pourtant clair que, dans ce cas aussi, beaucoup de personnes renonceraient à se prononcer et que le nombre de dons n’augmenterait pas par rapport à aujourd’hui.

H+ approuve la décision de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national de charger l'administration d'entreprendre des travaux supplémentaires et en particulier d’examiner de manière approfondie le modèle de la déclaration. Il est impératif de trouver une solution pour que le taux de dons augmente en Suisse, sachant qu’il est particulièrement bas en comparaison européenne.

Martina  Greiter

Martina Greiter

Rédactrice de Competence pour la Suisse alémanique, responsable technique Baromètre des hôpitaux et cliniques

Modification de l’OAMal

Benchmark pour les hôpitaux: une solution équitable se prépare

Le Benchmark proposé par le Conseil fédéral mettrait en péril la sécurité de la fourniture des soins. En dialogue avec l’administration fédérale, une solution plus juste est en gestation.

Dans le domaine de la planification hospitalière et du calcul des tarifs, personne ne conteste la nécessité d’adapter l’exécution de la loi sur l’assurance-maladie à la jurisprudence et à la pratique des cantons. La modification de l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal) proposée par le Conseil fédéral dispose que la valeur de référence (Benchmark) est calculée de manière uniforme par rapport au nombre de fournisseurs de prestations: le critère de l’efficience est fixé au 25e percentile des coûts par cas. Toutes les institutions, de la maison de naissance à l’hôpital universitaire, seraient comparées à la même aune. Les hôpitaux qui assurent le plus large éventail de prestations médicales seraient les plus durement touchés par cette mesure.

H+ a clairement rejeté cette proposition de modification de l’OAMal mais s’est déclarée prête à collaborer à la recherche de solutions alternatives. L’administration fédérale veut maintenant remanier son projet avec les parties concernées. H+ s’en réjouit. De premiers entretiens ont déjà eu lieu sur des modèles alternatifs de Benchmark. Une solution équitable, comparant ce qui est comparable, peut et doit être trouvée. H+ en a la conviction.